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Partie 1 : La
pâte feuilletée, sa vie, son œuvre
La pâte feuilletée est réputée très technique, très
difficile à faire, et beaucoup la regarde de loin sans penser un jour la faire eux-même.
Ce temps est révolu.
Le tout pour réussir, c’est de comprendre comment ça marche.
Même dans la pâtisserie, surtout dans la pâtisserie d’ailleurs, il y a une part
de science. Tout commence ici. (Autant dire que je ne suis pas en terminale S
pour rien !)
I la détrempe
Pour faire une pâte feuilletée, on commence toujours par
faire une « détrempe », c-a-d une pâte toute simple avec de la
farine, de l’eau et du sel que l’on mélange ensemble et que l’on travaille.
Mais que ce passe-t-il donc alors ?
Au contact de l’eau et grâce au pétrissage, les protéines
insolubles contenues dans la farine forme un réseau élastique : le gluten.
C’est lui qui donne à la pâte sa consistance élastique. Cependant il ne faut
pas trop travailler la pâte parce qu’alors le gluten devient trop dur ce qui
n’est pas souhaitable.
La détrempe est ensuite façonnée en boule que l’on incise
sur le sommet en croix pour faciliter le repos (quoique cela ne soit pas
prouvé).
Enfin, la détrempe est mise au repos au moins 30min, pour
que l’amidon finisse de gonfler (on dit qu’il « s’empèse ») et que la
pâte devienne moins élastique.
Note : dans cette détrempe basique, il n’y a pas de
beurre. Mais pour les croissant, comme pour toute pâte feuilleté
d’ailleurs, on rajoute du beurre dans la
pâte afin que la matière grasse gène la formation du gluten et rende ainsi la
détrempe moins élastique et du coup la période de repos devient superflue (ou
du moins nettement plus courte).
II le beurre
Le beurre est l’élément principal ici. Certain le remplace
par de la margarine de feuilletage plus facile à travailler, certes moins cher,
mais aussi moins bonne pour la santé ! (présence d’acide gras trans, nocifs). Et en plus, niveau goût
le beurre a un arôme imbattable. Et pour les plus zélés, y’a aussi le beurre
enrichi en « carotène » (oui, ça a un rapport avec la carotte), qui a
une couleur jaune-orangé sympa.
Cette matière grasse doit être « apprêtée », c-a-d
tapée avec un rouleau à pâtisserie, pour être ramollie à même consistance que
la détrempe. Ca c’est hyper important, car si le corps gras est trop ferme, il
n’est pas uniformément réparti dans la pâte et celle-ci se déchire. Si au
contraire il est trop fluide, il pourrait s’échapper de la détrempe.
III Le tourage
Une fois le beurre incorporé dans la pâte, il faut encore l’abaisser
et la plier afin d’alterner les couches de détrempe et les couches de beurre.
Dans le jargon pro : le pliage est appelé « tourage » et un pli,
un « tour ».
Bon y’a différents tours, tour simple, tour double, mais on
verra ça plus précisément en pratique (recette au dessous).
Sachez simplement que les tours servent à superposer les
feuillets de pâte les uns sur les autres au fur et à mesure, et plus on fait de
tour, vous l’aurez compris, plus on aura de feuillets. D’où le
« mille-feuille » qui n’a pas, en réalité, milles feuillets mais 729
(et voilà qu’on nous prend pour des buses) !
Le truc, c’est qu’il ne faut pas les abîmer, ces feuillets.
Idéalement, ils ont une épaisseur régulière, ne sont pas déchirés, et le beurre
est bien réparti, à bonne consistance.
Certains recommandent de marquer la pâte avec des
« trous » en la pressant avec le doigt, pour ne pas perdre le compte
des tours, mais que nenni ! Surtout pas ! Parce que vous allez
détruire les feuillets.
IV Le façonnage
Pour façonner des croissants par exemple, il faut que la
pâte soit bien froide, et la couper franchement avec un couteau aiguisé, sans
l’écraser. Vous pouvez utiliser une roulette à pizza à la place d’un couteau,
c’est bien pratique.
N’oublier pas de dorer vos croissants, on le fait
généralement à l’œuf, certains disent le jaune uniquement, d’autre du lait
sucré, comme vous voulez je ne vois pas trop différence au final (oui j’ai
essayé les trois)… Certains disent aussi de faire deux couches de dorure au
lieu d’une seule et d’autres encore disent de dorer avant de laisser pousser la
pâte au lieu de le faire juste avant d’enfourner… Dans tous les cas, évitez de
faire couler la dorure sur les bords, il parait que ça gène le développement,
et que ça brûle en plus.
D’après ce que j’ai essayé, je recommande une dorure à
l’œuf, juste avant d’enfourner.
V La cuisson
C’est ici que la magie opère. Et c’est alors que naît un
sentiment de satisfaction puissant.
Quelle odeur ! Une de celle que l’on voudrait enfermer
dans une petite fiole et sentir à chaque fois que nous en prend l’envie. Une odeur liée au souvenir, à la gourmandise,
au dimanche matin sous la couette…
Mais restons scientifiques, précis. Parce que même si c’est
vraiment de la magie pour moi, y’a toujours un « truc » n’est-ce
pas ? Un secret de magicien.
Lors de la
cuisson, le beurre fond dans la pâte et empêche les feuillets de s’accoler, et
imperméabilise chaque couche de pâte empêchant qu’elle soit détrempée par l’eau
qu’elle contient. Parallèlement, l’air enfermé se dilate et l’eau de la
détrempe s’évapore permettant ainsi la séparation des feuillets, donnant de la
hauteur au feuilleté : c’est ainsi qu’il se développe.
Enfin, l’amidon de la détrempe se rigidifie en
cuisant, assurant la solidité du tout.
Si on ouvre le four pendant la cuisson ou que la température
n’est pas assez élevée, la pâte ne rigidifie pas assez rapidement et retombe.
Certains préconisent de mettre un récipient d’eau dans le
four pendant la cuisson, ou de mouiller la plaque où sont les croissants pour
favoriser le développement des feuillets (car on ajoute de la vapeur), mais
encore une fois rien n’est prouvé (car cette eau ne vient pas de la pâte
elle-même).
VI Dégustation
L’ultime épreuve de vos croissants, ou de votre pâte
feuilletée, le gage de réussite, c’est le « bruit du croissant »
inimitable selon P. Hermé.
Croquez dedans, sentez les miettes s’échapper de vos doigts
et profitez encore un peu de l’odeur si délicieuse, de leur chaleur si
réconfortante…
CONSEILS SUPPLEMENTAIRES
-
Travaillez sur un plan de travaille lisse et
froid (marbre c’est le top, mais mon bon vieux plan de travail en bois m’a
donné un résultat plus que satisfaisant).
-
Faites au minimum 500g de pâte (oui, vous pouvez
congeler).
-
Farinez le moins possible et éliminez
l’excédent. Notamment au moment du façonnage, car alors cela ne se tiendrait
pas (ça glisse).
SOURCES :
- - Analyse
des phénomènes et transformations culinaires – ed. LT Jacques Lanore –
Bruno Cardinale et René van Sevenant
- Livre de technologie appliquée pour les bac
Pro et BTS, que je me suis offert récemment, que je ne regrette pas. On apprend
toute la partie « scientifique » de la cuisine, et comme vous venez
de le voir, ça peut être très utile. De plus c’est pas le genre de manuel long
et ennuyant, il est bien présenté, clair et concis.
- - Magazine Régal
n°40 – avril/mai 2011 – Les mille et un
tours du feuilletage
PARTIE II : LA
LEGENDE – ou l’origine du croissant
L’origine du
croissant remonte au XVIIe siècle (1683 plus précisément), à l’époque où les
Turcs assiégeaient la capitale d’Autriche.
Une nuit,
les boulangers de Vienne entendirent les ennemis creusant un tunnel pour tenter
de prendre la ville par surprise, ils donnèrent l’alarme et permirent ainsi de
repousser l’assaut.
Lorsque les
Ottomans furent vaincus, Jean III Sobieski accorda aux boulangers le privilège
de fabriquer une pâtisserie qui immortaliserait l’évènement.
Ils
réalisèrent alors le Hörnchen
(« petite corne » en allemand), allusion au croissant qui orne l’étendard
turc.
Alors
l’emblème de la France, avec la baguette, ne vient pas de chez nous !
C’est Marie-Antoinette qui arriva d’Autriche et l’introduisit à la cour de
France en 1770. Sacré gourmande…
Une autre
tradition attribue l’invention du croissant à un cafetier viennois du nom de
Kolschitsky d’origine polonaise. En récompense de son courage pendant le siège,
il aurait reçu des sacs de café pris à l’ennemi. Il aurait alors eu l’idée de
servir ce café accompagné d’une pâtisserie en forme de croissant.
SOURCE :
Le Grand Larousse gastronomique
PARTIE III : ET
MAINTENANT LA RECETTE !
Pour une vingtaine de croissants
Pour la détrempe :
-
500g de farine (T55)
-
20g de levure fraîche de boulanger (obligatoire)
-
65g de sucre
-
50g de beurre
-
240ml d’eau plutôt tiède
-
10g de sel fin (j’ai mis moins, 6g)
Pour le tourrage :
-
220g de beurre
Avant toute chose, je
vous recommande de visionner cette vidéo qui vous aideras énormément pour tous les petits détails qui ne sont
pas retranscribles par écrit.
Faites la détrempe : Sortez votre beurre de détrempe du frigo afin de le
ramollir.
Dans un bol, émiettez la levure, versez par-dessus la farine,
le sucre, le sel, le beurre et l’eau. Mélangez le tout, au robot si vous avez,
j’ai fais à la main sans problème.
Pétrissez pendant au moins 10 minutes, à la main vous
pétrissez en « écrasant » la pâte avec la paume, puis en la ramenant
vers vous, et ainsi de suite.
Ramenez la pâte en boule et incisez celle-ci sur le sommet.
Taillez une croix.
Couvrez de papier film et laissez reposer 30 min environ.
Tapez ensuite la pâte sur le plan de travail pour
« évacuer le gaz carbonique ».
Aplatissez le paton en un rectangle de 1 cm d’épaisseur
aussi régulier que possible. Recouvrez le film plastique ou de papier
sulfurisé, placez sur une plaque et entreposez au réfrigérateur pour une heure.
Préparation du beurre : Sortez votre beurre, et tapez le à l’aide du rouleau à
pâtisserie comme sur la vidéo. J’ai ensuite utilisé la même technique que celle
présenté sur la vidéo : posez le beurre sur une feuille de papier
sulfurisé, repliez la complètement dessus sur tous les côtés de façon à
enfermer le beurre dans un carré/rectangle à angles droits. Roulez ensuite le
rouleau sur le beurre de façon à l’étaler de manière uniforme et qu’il
remplisse ainsi le rectangle jusqu’au bout des angles. Vous obtenez une plaque
de beurre assez fine (mais pas trop non plus).
Tourage : Etalez votre pâte en un rectangle deux à trois fois plus
long que large. Positionnez le en hauteur devant vous (le côté court de votre
rectangle devant vous). Posez le beurre au milieu, il doit être de la même
largeur que votre pâte (ajustez si besoin en étirant ou en tassant légèrement).
Si le beurre est trop mou, posez le au
frigo quelques minutes.
Rabattez les côtés de
la pâte sur le beurre, en collant bord à bord sans superposer les deux
extrémités de pâte. Tapez au rouleau à pâtisserie sur votre pâte de façon à
souder complètement les deux bouts repliés. Tournez d’un quart de tour votre
pâte. Vous avez la soudure perpendiculaire à votre plain de travail, face à
vous (en longueur/hauteur – voir vidéo). Vous pouvez farinez votre plan de
travail légèrement, surtout pas de trop.
Etalez ainsi votre pâte au rouleau de façon à obtenir un
rectangle 3 à 4 fois plus long que large. N’hésitez pas à retournez la pâte
pour plus de facilité et d’homogénéité.
Faites un tour double : repliez chaque extrémité vers
le centre (ou une extrémité au 2/3 et l’autre au 1/3, mais toujours sans
superposer – voir vidéo). Pliez de nouveau, en deux (voir vidéo). Tapez un peu
au rouleau à pâtisserie mais pas trop fort.
Tournez d’un quart de tour (90°) et étalez à nouveau en un
rectangle.
Faites un tour simple : repliez une extrémité vers le
centre et recouvrez la (superposez cette fois) de l’autre extrémité. Retapez
légèrement, pour ne pas avoir quelque chose de trop épais.
Emballez votre pâte de film étirable et laissez reposez au
frigo pendant environ 1h.
Façonnage : Divisez votre pâton en deux (pour plus de facilité). Etalez
le sur une épaisseur de 3mm et une largeur d’environ 20 cm. Détaillez des
triangles avec une base d’environ 7 cm. Incisez les sur 1 ou 2cm au milieu de
leur base, tirez légèrement sur la pointe pour l’étirer. Roulez vos croissant
(voir vidéo). Déposez les sur une plaque chemisée de papier sulfurisé.
Dernière pousse et dorage : Vous pouvez ensuite les dorer tout de suite ou attendre le
moment d’enfournez (je préfère la seconde option) à l’œuf entier battu. Laissez
gonfler deux heures environ (cela dépend de la température, qui ne doit pas
excéder 37°C, mais plus il fait chaud plus ce sera rapide d’après ce que j’ai
vu, 26°C minimum) : petite astuce, posez votre plaque sur une chaise
devant le radiateur en train de chauffer.
Cuisson : Préchauffez votre four à 180°C (certains disent 200°C). Dorez
vos croissant si ce n’est pas déjà fait.
Enfournez pour 25 minutes (il m’a fallu plutôt 35/40 min).
Déposez les sur une grille ou dégustez encore tiède !
SOURCES :
- - Vidéo du site patiss.com et
atelierdupatissier.com, recette du chef Pierrick Challamel et chef Philippe.
Ce à partir de quoi je me suis basée pour
la méthode, les proportions, très bien expliquée et très facile à suivre. ici
- - Blog de cuisine « la cuisine de
Bernard », recette des croissants pur beurre.
Photo étape par étape de la recette.
Ce à partir de quoi de je me suis basée pour les temps de repos, de cuisson,
etc… ici
- - Blog « le pétrin », billet « la
gourmandise de Marie-Antoinette » une autre recette que je n’ai pas
essayé par manque de temps, une méthode tout à fait différente mais qui
parait-il a fait ses preuves… ici
7 commentaires:
bleuffée!!!!ou vas tu t'arrêter??
beautiful pics! and yummy food!
I'm so interested in this article. Please, could you translate it in to English?? Tanks!!
No problem... I try to translate it today !
Mmmm, de bien appétissants croissants, bravo pour les photos ! Je me demande combien de temps ça prend à réaliser, en tout, une telle pâte feuilletée (je n'ai encore jamais essayé)
en tout à partir du moment ou on sort la farine du placard et celui ou on croque dans le croissant ça m'a pris environ 8h (on commence dans la matinée et on les a pour le goûter)
Les photos sont de toi?
Elles sont absolument parfaites, j'en suis toute retournée *__*
Vraiment, félicitations! Tes recettes sont appétissantes à souhait et toujours pleines de découvertes.
Merci pour ce bon temps que je prends à chacune de mes visites ♡
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